Will you be back on time? (P.V. Holgern)

Will you be back on time

Holgern & Askerna

Déjà, cette nuit, une deuxième pleine lune brillerait sur l’absence de Tyldr. Un voyage de pêche en haute mer ne durait jamais un cycle de lune complet. Le temps éveillait les soupçons chez les villageois. Des rumeurs de naufrage s’élevaient, mais ne faisaient pas l’unanimité. Les plus commères osaient raconter que Tyldr aurait mené son équipage vers des territoires inexplorés. Je n’allais pas sans savoir que ces rumeurs viendraient tôt ou tard agacer les oreilles de Jorgenson. Entre-temps, je veillais impatiemment au retour de mon époux, qui, je savais, reviendrait d’ici quelques jours tout au plus.

Chaque soir, l’océan se miroitait au fond des mes iris opalescentes, dans l’attente de voir ce vieux navire fendre l’horizon. Chaque jour, le soleil permettait à l’océan de se libérer des glaces forçant la banquise à céder sous le torrent des vagues. Un vent printanier soufflait la brise saline sur le petit village côtier. Sur la plage encore clairsemée d’îlot de neiges et de glaces, une douzaine d’enfants se bataillaient dans un brutal match de knattleikr. Si Styrbjorn craignait les coups et peinait à rejoindre les plus grands, Asgeir lui utilisait son bâton pour frapper vigoureusement le ballon de babiche. À l’écart, me mêlant aux autres femmes, j’écoutais distraitement les banalités quotidiennes de leurs mésaventures. Feignant quelques sourires de politesses, je participais évasivement à la conversation qui ne m’intéressait pas vraiment. On parlait marmaille comme on parlait de tissage ou du concubinage de certains hommes.

« Des hommes sont revenus du large aujourd’hui, ils ont rapporté un mât de bateau… fracassé, et un lot de rames. Il s’agirait vraisemblablement du navire de l’équipage de Tyldr… »

Lançait évasivement une brunette bien portante. Un silence accompagna les regards qui se tournaient dans ma direction. Je laissais lâchement mes épaules sursauté dans un mouvement las, espérant qu’on s’en contenterait.

« C’était un très vieux bateau, il n’était pas en état de prendre la mer surtout à cette période de l’année… »

Renchérissait-elle, fataliste. J’aspirais au calme, inspirant longuement et croisant les doigts à ma taille. Les mots se bousculaient sur ma langue et je prenais quelques secondes afin de mâcher une réponse qui saurait satisfaire ces femmes qui, toutes, étaient momentanément pendu à mes lèvres. L’articulation de ma mâchoire roulait et laissait deviner tout mon agacement. Que pouvais-je leur répondre sans non plus inquiéter ces femmes qui, elle-aussi, attendant impatiemment le retour de leurs conjoints.

« J’ai confiance que mon mari et les hommes qui l’accompagnent reviendront sains et saufs… C’est tout ce que je sais. En ce qui concerne les vestiges retrouvés en mer, il appartenait à une épave échouée non loin d’ici, au nord, il y a plusieurs années. Ce n’est rien de plus qu’un coup monté de ces pêcheurs, ils n’ont rien de mieux à faire que s’inventer des histoires. »

Je me faisais inflexible, refusant de céder ou d’insinuer quoi que ce soit. Récupérant Hvitserk au bras de ma voisine, je m’excusais avec politesse préférant rentrer que de poursuivre cet échange. Je rappelais mes fils à mes côtés et malgré leurs protestations, nous reprenions le chemin de la maison.

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Will you be back on time

Holgern & Askerna

Le chemin du marché était bordé d'étals. Les commerçants exposaient leurs denrées, leurs animaux et leurs outils. Certains se montraient enthousiasme, prêt à tout pour vendre deux trois petites choses aux passants. Avec forces, par des cris et des paroles biens sentis, il ventait les vertus de leurs produits. La meilleure laine appartenait au berger du Detroit d'Oresund tandis que les plus beaux chevaux venaient des contrées lointaines de Svitjod. Tous étaient prêts à mentir un peu pour achever une vente, il fallait savoir reconnaitre les charlatans parmi cette horde de vautours. Ici, seul le vendeur de légumes aurait mon attention. Venu du sud, il nous approvisionnait de quelques pousses hâtives que l'on ne récolterait pas sur nos terres avant plusieurs semaines encore. Quelques bouteilles de lait de chèvre contre un chou blanc, un petit panier d'oignons, un poireau et quelques radis pour faire le bonheur des enfants qui les dévoreraient tous avant que nous soyons rentrés.    

Nous ne nous éternisions pas sur l'allée principale, déjà, Astrid devait nous attendre et je sentais l'impatience de mon nourrisson grandir. Pleinement éveillés, les gazouillis de Hvisterk se transformaient en plainte incessante. Si en le berçant je négociais avec lui, je savais que je ne pourrais pas le faire taire jusqu'à ce que mon lait touche ses innocentes petites lèvres. Nous nous dépêchions, pressant le pas pour retrouver notre domicile avant la fin de l'après-midi. Quand, inopportun,  un cheval se mit sur notre chemin. Je retenais in-extrémiste Styrbjorn qui risqua de foncer dans l'imposante bête. Instinctivement, je poussais ma marmaille derrière moi, sentant la menace du destrier sur nous. Nul autre que Holgern et ses fidèles gardes. Me rappelant de notre dernière rencontre, je m'empêchais de lui offrir la moindre politesse. Cet homme guettait ma famille comme une ombre malveillante. Il nous avait menacés et avait, encore à ce jour, tous les pouvoirs de mettre à exécution ses paroles. Et tout ça, sans compter, les nombreuses récriminations à l'égard de mon époux, qu'elles soient ou non justifiées. Il venait cracher son venin sur la terrasse publique attirant l'attention des curieux. Je restais sévère et renfrogner, non heureuse de cette manière d'être abordé. Ne savait-il donc pas qu'il valait mieux ne jamais s'approcher d'une mère et de ses oursons?

" Sa destinée? Qui sait ce que les dieux lui réservent? Eux seuls connaissent notre destin. Et comme vous le savez, mon lord, mon mari et son équipage sont présentement à la pêche. Le village a besoin de ses prises, la réserve est basse, les dernières missions de chasses que vous avez dirigées n'ont pas porté fruit. "

Lui crachais-je impatiemment au visage sachant que cela ne saurait le satisfaire. Au fond, comme moi, ne savait-il pas la vérité? Pouvait-il être assez dupe et croire que je serais celle qui lui mettrait la puce à l'oreille?

"Je pense que Tyldr reviendra bientôt et qu'il se portera bien, lui et tous les homme qui l'accompagnent. J'espère, pour nous tous, que sa pêche aura été fructifiant, que Njörd aura veillé à la bonne fortune de nos pêcheurs. Expliquez-moi, en quoi est-ce un affront? Effectivement, si mon mari éloigne la famine, j'imagine que vous lui serez en quelque sorte redevable pour votre peuple... il aura sût palier à votre insuffisance."

Grognais-je avec tout le mordant qu'on me connaissait. Cette fois, je n'étais pas lourdement enceinte, seule dans mon domicile et acculée au mur. Pleine de rancune, je ne craignais ni les mots, ni les représailles. Qu'allait-il me faire? Ici, devant tous ces gens? Rien! Seul un fou s'attaquerait à une simple fermière, une mère sans défense. Il avait toute cette milice pour se protéger et je n'avais que les mots pour contrer l'affront.

"Aviez-vous autre chose à me dire jarl Holgern?"

Abrégeais-je tandis que dans mes bras, mon enfant s'agitait et me laissait entendre son inconfort. Je frictionnais son dos, le rassurant, le serrant contre mon épaule. Je négociais le silence en le laissant se saisir d'un de mes doigts de sa petite bouche. Tétant, le petit garçon s'apaisait.

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Holgern & Askerna

Cet homme n'avait rien d'autre que son titre. Sans femme, sans enfant, avait-il non seulement des amis sur qui compter? Le pouvoir, le règne incontesté, mais à quel prix? Le jour où Odinn le rappellerait auprès de lui, personne ne se souviendrait de cet homme, personne, encore moins ses sujets, ne pleurerait son départ. Si ses talents de guerrier l'avait positionner à la tête notre village, le jour où la vieillesse le détrônerait ne saurait tarder. Sans héritier, la course à la chefferie s'ouvrait à n'importe quel homme pourvu d'assez d'ambition. Ce vieil orgueilleux égocentrique finirait par payer cher chaque cheveu gris clairsèment sa généreuse barbe. L'époque où tous prêchaient ses exploits était sur le point d'être révolue. Je me souvenais de mon père, martelant son marteau sur les boucliers aux couleurs de Jorgenson tout en le couvrant de louange. Comme tant d'autres à l'époque, le marchand de boucliers, Asmund Skjöldur avait vu en lui un vent de renouveau, un salvateur pour notre peuple qui, peu à peu, se mourrait d'une guerre civile incessante contre le Jutland. Mais aujourd'hui, mon père était mort et avec lui, tout le respect que je devais à ce gros lardon roux sur son destrier.  

Le bleu acier de mes pupilles soutient celui du grand homme à cheval. Dans toute mon obstination, je ne sourcillais pas moins du monde devant ce rappel à l'ordre. Silencieusement, je m'entendais souhaiter que les dieux le foudroient à mort et m'abstenais de tout propos, sachant que mon insolence suffisait déjà à l'agacer. Que l'on aime ou pas cet homme, il n'en était pas moins notre chef et n'étais-je pas qu'une simple fermière après tout? Voyant cette main frôler la fusée de son épée, j'insistais auprès de mes fils pour qu'il reste à mes côtés, sondant avec intensité Holgern et ses hommes. Je n'étais pas en position de me battre et je n'avais aucune arme en ma possession.

"Je suis certaine que mon mari et ses hommes se portent bien."

Repris-je, me refusant de croire à ses sornettes. Je savais, viscéralement, que mon mari n'était pas mort et qu'il reviendrait avec une barge débordante de trésors inestimables. Prenant mon panier sous mon bras, je me décidais d'abréger cette conversation qui prenait une tournure assez banale. Le jarl s'enquérait de ma progéniture et je décidais de balayer sa question comme d'un vulgaire insecte. Qu'en avait-il vraiment à battre du nom de mes petits? J'avais d'autres chats à fouetter, un repas à préparer, des estomacs à remplir, une ferme à m'occuper, je ne comptais pas perdre encore mon temps ici.

"Je dois m'excuser mais le temps nous presse de rentrer chez nous, nous aurons tout le temps de nous recroiser et de faire les présentations plus tard. Si vous voulez nous excusez mon lord?"

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